Piégé comme un poulpe

 

C'est quoi cette histoire de poulpe ? Voici la question légitime que tu te poses après avoir échoué par hasard sur ce blog. Autant que tu le saches tout de suite, il ne sera pas question de technique de pêche des céphalopodes. Mais quoi alors ?

C'est au Japon que se trouve la réponse. Le piège à poulpe, Tako Tsubo en japonais, est le nom donné à une maladie cardiaque provoquée par un stress intense ou un événement traumatisant. Lors de l'apparition de cette maladie, le cœur prend la forme d'un piège à poulpe, un genre d'amphore. Voilà, fin du mystère. Cette maladie aurait pu s'appeler autrement, d'ailleurs on la surnomme aussi la maladie du cœur brisé, mais c'est le piège à poulpe qui a été retenu. Et reconnais que Tako Tsubo, ça fait un peu classe. Ça sonne mieux qu'un œil de perdrix, par exemple. 

Tu l'auras certainement deviné, je suis concerné par ce Tako Tsubo. Mon cœur est le piège à poulpe. Et j'ai le sentiment que le poulpe, c'est moi. Un peu de contexte pour mieux me suivre ? J'ai fait récemment ce que la médecine nomme un syndrome coronarien aigu. C'est en tout cas ce que le cardiologue a écrit sur mon arrêt de travail. En consultation, au moment de sortir après quelques jours d'hospitalisation, il a ajouté : "pour faire plus simple, considérez que vous avez fait un petit infarctus". Et une fois que ce mot est lâché, ce n'est plus tout à fait la même limonade. On bascule immédiatement dans le sérieux. Même si c'est un petit, ça reste un gros mot. 

Me voilà donc, à quelques jours de mes 45 ans, propulsé dans la catégorie des malades cardiaques. Comment en suis-je arrivé là ? Par la seule force de ma volonté ! Tout le mérite m'en reviens. Ce sont des années de travail. Les plaques d'athéromes dans mes artères, bien qu'encore assez modestes, sont le résultat d'une discipline de fer qui consiste à ne surtout rien se refuser et à toujours chercher à repousser ses limites. Une entrecôte ? Oui, bien sûr. Mais avec des frites et du beurre maître-d'hôtel. Je ne suis pas de ces barbares qui gâchent une excellente viande avec des haricots verts. Du fromage ? Évidemment, et un morceau de chaque, s'il vous plaît ! Le tout arrosé de plaisir en bouteille, bavaroise ou bourguignonne, selon l'humeur du moment. Un mental de champion. Ajoute à cela un talent naturel pour le grignotage opportuniste et tu obtiens un excellent candidat aux maladies cardio-vasculaires. Alors oui, tu vas peut-être me dire que mon entrée fracassante dans cette population à risque, l'élite du "gras-sucré-salé", n'aurait pas été possible sans un petit coup de pouce du destin. C'est vrai, la génétique m'a bien aidé. Le côté paternel de mon arbre généalogique a déjà démontré un certain talent dans le domaine.

Cela va sans dire, mais j'ai également développé une aversion profonde pour la pratique du sport. Je considère qu'il faut confier cela à des experts. Chacun son domaine. J'apprécie et j'admire les athlètes à la télé, dans le confort de mon canapé et à proximité d'un paquet de chips ou de bonbons. Aucun détail n'est laissé au hasard. Mais il y a le revers de la médaille. Et je viens de le prendre dans la gueule. Je suis passé de la catégorie des bons vivants à celle des bien malades. Cela siffle la fin de la récréation. Plus question de multiplier les coups d'éclats gastronomiques, je viens d'entrer dans l'ère de la sobriété. Laisse-moi un peu de temps pour m'acclimater, et je reviens t'en parler très bientôt.

 

 



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